L'entrée historique de la grotte des Chamois s'ouvre sur le territoire de la commune voisine de Castellet-lès-Sausses, une soixantaine de mètres au-dessus de la superbe source du Coulomp. Elle est connue depuis la nuit des temps, mais dans le passé la visite s'arrêta toujours à une trentaine de mètres de l'entrée, là où le plafond de la galerie s'abaisse et disparait sous un plan d'eau, ceci jusqu'à l'arrivée de quelques hardis plongeurs spéléologues dans les années 1960.
En 1982, un de ces explorateurs, après avoir franchi en plongée deux autres siphons et parcouru une galerie étroite et difficile, atteint a environ 300 mètres de l'entrée le pied d'une paroi verticale et argileuse d'escalade très difficile, qui constituera la pointe des explorations pour un quart de siècle, pendant lequel la grotte des Chamois replonge dans sa solitude...
En 2007, deux spéléologues azuréens, Philippe Audra et Jean-Claude Nobécourt, entrevoyant derrière cette grotte difficile et d'accès laborieux un énorme réseau spéléologique raccordé au parcours souterrain de l'eau de la source du Coulomp, décident de reprendre à zéro l'exploration de la grotte.
Leur stratégie est différente puisque, non plongeurs, ils décident de monter sur le site, à grand peine, une installation de pompage sophistiquée qui permet de vider temporairement les trois siphons pour pouvoir travailler dans le réseau avec des techniques spéléologiques classiques. Très rapidement et entourés d'une équipe de spéléos très expérimentés, ils vont ainsi accéder à d'énormes galeries comme celles des Onze Heures ou celle des Hormones, qui atteignent par endroit plusieurs dizaines de mètres de diamètre et dépassent un kilomètre de longueur en ligne droite.
Un point d'orgue des explorations est atteint à l'été 2009, où le cours souterrain du Coulomp tant espéré est enfin découvert et exploré sur un kilomètre, constituant la plus importante rivière souterraine accessible aux spéléologues non plongeurs en France, et certainement la plus belle rivière souterraine française.
Cependant, les explorations demeuraient toujours contingentées par les incontournables et fastidieux pompages des siphons, irréalisables d'ailleurs une bonne partie de l'année : les spéléos rêvent de découvrir un autre accès au réseau souterrain, qui les affranchirait de ces contraintes techniques.
Un espoir apparait au cours de l'été 2010 lorsqu'une équipe trouve dans une petite galerie surplombant la rivière souterraine des feuilles mortes et des traces de griffes d'animaux : le boyau d'où viennent les traces est impénétrable à l'homme, mais il communique à coup sûr avec l'extérieur, et la topographie indique que le versant de la montagne n'est qu'à quelques dizaines de mètres, au niveau du ravin des Pasqueirets. Un repérage en surface réalisé à l'aide de fumigènes tirés par l'intérieur du réseau permet de repérer, en pleine falaise dans le canyon des Pasqueirets, l'entrée extérieure du boyau.
Il faudra à une cinquantaine d'équipiers trois ans de travail acharné pour élargir à la taille d'un humain rampant le boyau sur plus de cinquante mètres de longueur, et créer ainsi une seconde entrée, permanente, au réseau de la grotte des Chamois et du Coulomp souterrain. A l'intérieur de la montagne de Baussebérard, le réseau se ramifie sous l'emprise des deux communes de Castellet-lès-Sausses et de Méailles et cette seconde entrée, baptisée par les spéléos lors de sa découverte "trou des fantasmes", se situe sur cette dernière.
Les explorations du réseau de la grotte des Chamois et du Coulomp souterrain, toujours en cours, ont permis de cartographier à fin 2013 plus de douze kilomètres de galeries et de photographier des paysages souterrains d'une beauté à couper le souffle...
Ce réseau est un véritable patrimoine naturel pour notre terroir, mais particulièrement éprouvant, froid et difficile, présentant des passages nécessitant la maitrise de la progression sur cordes, exigeant par endroits de nager dans la rivière souterraine dont la température n'atteint pas 6°C, son exploration demeure réservée aux spéléologues aguerris, techniquement compétents, habitués aux cavités difficiles et aux explorations en conditions de type "survie".
Ce trésor géologique, situé à plusieurs heures de marche des pistes carossables, inaccessible derrière ses falaises et au coeur de nos montagnes, réservé à des explorateurs endurants habitués à un milieu hostile et inconnu du plus grand nombre, nous est dévoilé périodiquement par les publications et les conférences que ces amis spéléologues tiennent régulièrement dans nos cantons.